guillaume nery

Aujourd’hui restera a coup sur une journée gravée dans les mémoires de tous les apnéistes. Pour éviter de réécrire une énième fois l’histoire, je vous propose de lire l’article et l’ITW que j’ai donné à chaud pour le magazine France Apnée.

L’émotion dans la communauté mondiale de l’apnée est vive après la mésaventure qui est arrivée à Guillaume Néry ce 10 septembre.

Aujourd’hui restera a coup sur une journée gravée dans les mémoires de tous les apnéistes. Pour éviter de réécrire une énième fois l’histoire, je vous propose de lire l’article et l’ITW que j’ai donné à chaud pour le magazine France Apnée.

L’émotion dans la communauté mondiale de l’apnée est vive après la mésaventure qui est arrivée à Guillaume Néry ce 10 septembre.

Le champion français devait tenter de battre le record du monde de poids constant en essayant d’atteindre -129m. Soit un mètre de plus que le record actuel d’Alexey Molchanov. Fort de ses -126m de mardi (nouveau record de France) Guillaume nous avait alors annoncé qu’il tenterait de battre le record du monde. Même s’il y a toujours des moments de doutes avant une perf, cette belle plongée à -126m au protocole solide avait placé Guillaume en confiance.

Si en apnée comme dans d’autre sport le scenario n’est jamais écrit à l’avance quant à l’issue d’une performance, le scenario du jour est inédit dans l’histoire de l’apnée à haut niveau.

Ce matin, Guillaume devait donc plonger une dernière fois avant les mondiaux AIDA dans le cadre de la pré-compétition à Limassol (Chypre). Cette compétition beaucoup d’athlètes l’avaient intégrée dans leur progression pour arriver au top niveau pour les mondiaux. C’est le cas par exemple de Morgan Bourc’His, d’Aurore Asso ou de Stéphane Tourreau pour ne citer qu’eux.

Or ce jeudi 10 septembre, l’organisateur de la pré-compétition (et donc des mondiaux AIDA) de Chypre s’est trompé de 10m dans la longueur du câble. Ainsi, au lieu de plonger à -129m comme prévu, Guillaume Néry a plongé à -139m en poids constant sans le savoir. Soit 13m de plus que son record personnel de mardi !  A cette profondeur treize mètres c’est un Everest !  On peut malheureusement imaginer la suite. Guillaume a syncopé à 10-15 mètres de la surface. Sa plongée a duré 3’56 alors que pour sa plongée à -126 elle avait duré 3’19. Victime d’un squeeze (déchirement d’alvéoles pulmonaires), Guillaume a été mis sous oxygénothérapie. Le drame a été évité de justesse. Guillaume est sain et sauf. Il a réservé pour France Apnée ses premières réactions.


Voici l’interview d’un rescapé des abysses…

 

FRANCE APNEE :  la première question est très simple :  comment vas-tu ?  Comment te sens-tu ? 

Guillaume Nery : Je vais beaucoup mieux. Très fatigué, mal au crâne et un peu mal aux poumons à cause du squeeze. Mais c’est surtout émotionnellement que j’ai pris une claque.

FRANCE APNEE :  Ce matin quand tu es arrivé sur le bateau est-ce que que tu étais confiant ?  La nuit précédente a-t-elle été tourmentée ou tu étais déterminé à plonger ? 

Guillaume Nery : Les veilles de perfs sont toujours tourmentées. Même si j’ai pas eu autant d’angoisse que la veille des 126m, j’étais un peu nerveux. Sur le bateau, j’ai réussi à maîtriser mes émotions et j’ai pu rentrer dans un certain état de sérénité et de confiance. Au vu de mes 126m, il n’avait aucune raison que la plongée se passe mal.

FRANCE APNEE :  Abordons cette incroyable descente à -137m d’après ton profondimètre !  Comment as-tu vécu ta descente ?  Est-ce qu’à un moment tu n’as pas sentique les sensations étaient inhabituelles ?  N’utilises-tu pas d’alarme sur ton ordinateur de plongée pour t’avertir d’une certaine profondeur ? 


Guillaume Nery : Tout d’abord je suis allé à -139m, car il y avait une erreur de 10 mètres. Ma montre affichait 137m à cause d’un léger courant qui a donné un léger angle et ma montre est des fois pessimiste. Bref ça ne change pas grand chose. La descente s’est très bien passée. Après 100m, je sais que je n’aurais aucun problème de compensation et que les 129m sont à portée de bras. Je suis tellement concentré que je ne réalise pas vraiment le temps qui passe, phénomène accentué par la narcose qui est plus forte en grande profondeur. J’ai utilisé des alarmes dans le passé, mais j’ai toujours préféré faire confiance à mes sensations. Je n’aime pas l’idée de dépendre de la technologie. Pour le coup, une alarme m’aurait rendu un grand service.

FRANCE APNEE :  Tu arrives au fond à -139m ce qui est déjà énorme puisque tu as compensé jusque là !  Certains ont dit sur notre page Facebook « Néry est allé sur la Lune » et toi l’as vécu comment cette arrivée au « plomb » ?  As-tu pris le « tag » ? 

FRANCE APNEE :  Je l’ai vécu comme d’hab. La moitié du travail est effectué, je suis content mais il y a encore un long chemin. Je me souviens des premiers coups de palmes et puis trou noir.

FRANCE APNEE :  On imagine ensuite que ta remontée a du paraître interminable. Qu’en est-il ?  As-tu pris conscience au cours de cette remontée que tu n’arriverais sans doute jamais à rejoindre la surface tout seul ? 

Guillaume Nery : Non après les premiers coups de palme, je ne me souviens plus de rien. Mon premier retour à la conscience se fait sur le bateau, alimenté en O2.

FRANCE APNEE :  L’organisation de l’épreuve est clairement mis en cause dans ta mésaventure. Quelle est ta réaction ?  Certains ont dit que ça relève de l’amateurisme ;  pourtant quand on voit le dispositif mis en place (notamment la taille du bateau ! ) on a du mal à le croire … As-tu eu des explications claires sur cette défaillance ? 

Guillaume Nery : C’est une erreur partagée :  organisateurs et juges. Le câble est mesuré avec des scotchs. Pour 140 mètres, il est censé y avoir une marque rouge (100 mètres) et 4 marques blanches. Un scotch blanc avait disparu. Il y a donc eu confusion et les 140 m ont été pris pour 130m. Au final je me retrouve à 10 mètres de plus à cause d’un bout de scotch blanc disparu.

FRANCE APNEE :  Aujourd’hui tu aurais pu y laisser ta vie, est-ce que tu t’en rends compte quelques heures après ? 

Guillaume Nery : Sur le bateau j’ai fondu en larme en pensant à Julie, ma fille, ma famille. Ça se joue à pas grand chose. J’avais une conscience plus élevée que d’habitude du risque pris dans ces profondeurs. J’étais plus inquiet que d’habitude ces dernières semaines. Comme quoi, il faut écouter ses pressentiments des fois.

FRANCE APNEE :  Le squeeze dont tu as été victime va t’obliger à laisser cicatriser tes alvéoles pulmonaires, est-ce que tu penses pouvoir participer aux mondiaux qui débutent dans quelques jours ?  En as-tu envie ? 

Guillaume Nery : Je me disais depuis quelques jours « cette compet, c’est la dernière ». Et j’étais heureux à l’idée de finir sur un record du monde et pourquoi pas une médaille. Des fois, il faut savoir ne pas être trop gourmand et écouter les signes de la vie. Je n’ai plus envie d’aller profond et l’incident de ce matin me conforte dans cette idée. Je ne participerais donc pas aux Championnats du Monde.

FRANCE APNEE :  Est-ce qu’AIDA international, notamment par son président Kimmo L., s’est manifestée auprès de toi ?  Evidemment ton accident va sûrement bousculer les lignes pour qu’une telle histoire à haut niveau ne se reproduise pas.

Guillaume Nery : Oui j’ai une eu un message de Kimmo. J’ai appelé Claude Chapuis, mon mentor, le plus rapidement possible également. Malheureusement, dans l’histoire de notre sport, il faut toujours attendre un drame pour que les choses évoluent. Là, heureusement, on a échappé au pire et j’espère effectivement que la vigilance sera accrue et que des protocoles de vérifications plus drastiques seront mis en place.

FRANCE APNEE :  Ta terrible plongée a fait vivement réagir les fans de l’apnée sportive et surtout tes fans sur notre page FB. Les commentaires sont unanimes :  invraisemblable, scandaleux, choquant, inacceptable, sabotage… à propos de l’organisation. Mais il y a aussi beaucoup de messages de soutiens car beaucoup t’aiment pour ce que tu es et ce que tu fais au-delà de la performance. As-tu un mot pour tes fans ? 

Guillaume Nery : Bien sur, je suis très touché par tous les messages. Mais il ne faut pas me féliciter d’avoir atteint 139m. Je n’y suis pour rien et j’aurais préféré être félicité d’avoir eu la lucidité de tourner avant. Il n’y a rien de bon là dedans. Juste une catastrophe évitée de justesse.

FRANCE APNEE :  Patrick Poggi a déclaré à propos de toi « il rentre un peu plus dans la légende » !  Nous sommes d’accord avec lui car cette plongée, qui n’aurait jamais du se dérouler de la sorte, restera dans les anales de la compétition à haut niveau.
Le programme maintenant :  un retour rapide en France auprès des tiens ? 

Guillaume Nery : Je suis encore dans l’émotion. Je vais voir rapidement le programme. Mais me

remettre au sport très vite, et probablement rentrer chez moi plus tôt. Je vais voir avec ma famille et avec le reste de l’équipe.