guillaume nery

À l’occasion du One Ocean Summit, le sommet qui rassemblait tous les acteurs du monde de la mer et des océans, j’ai été nommé par l’organisation comme l’un des ambassadeurs. J’ai eu l’honneur de clôturer un atelier sur « l’Europe et la mer 2030 ». Voici mon discours avec un message marqué pour l’urgence de la protection du vivant et de la biodiversité.

Voici mon discours et la vidéo de mon intervention:

Bonjour, je voudrais remercier l’organisation du One Ocean Summit de m’avoir proposé d’être un ambassadeur des océans et de me permettre en quelques minutes d’exposer mon témoignage.

Je m’appelle Guillaume Néry, j’ai 39 ans et je plonge depuis 25 ans dans les océans. Je plonge en apnée, c’est-à dire que je descends le plus profond possible avec une seule inspiration.

J’ai participé à de nombreux championnats et battu quelques records du monde dans une quête qui fut d’abord physique et sportive et qui, au fil des années, est devenue un art de vivre, une exploration des adaptations de l’homme en milieu extrême, une exploration des merveilles du monde sous marin dans le silence, le respect et la simplicité.

Je ne suis pas un scientifique, je ne suis pas un ingénieur, je ne suis pas un économiste. La matière première de mes réflexions a toujours été le fruit de mes expériences sous l’eau.

Chaque mètre conquis m’a confronté aux deux grandes limites physiques et physiologiques de ma discipline: Le temps d’apnée et la gestion de la pression qui augmente avec la profondeur.

J’ai appris que pour gérer l’écrasement du corps sous l’effet de la pression, je devais suivre une logique d’acceptation, de relâchement et d’humilité face à la toute puissance de l’élément.

J’ai appris que pour gérer la quantité d’oxygène réduite à ma seule inspiration, je devais suivre une voie, celle de l’économie d’énergie, l’économie de mouvement, le minimalisme, la sobriété.

Cette confrontation avec les limites m’a permis de tirer des enseignements précieux, qui ramenés sur la terre ferme, se sont avérés bien plus larges et universels que le cadre de ma pratique; des enseignements qui questionnent mon rapport aux éléments, et à mon environnement, et je ne peux évidemment pas m’empêcher de faire un parallèle, un rapprochement avec les défis majeures auxquels nous, en tant qu’espèce, devons faire face.

Un sommet comme celui-ci est indispensable car il permet de concentrer tous les regards sur l’océan, et accélère inévitablement la réflexion et l’action à mener.

Cependant je m’interroge sur les angles d’attaque, face à un enjeu aussi fondamental. Ne devrait-on pas questionner le sens des priorités ?

De nombreuses discussions se polarisent autour des innovations et de la technologie comme salut principal.

On parle beaucoup de cette économie bleue, en n’envisageant l’océan que comme une ressource à exploiter, certes « durablement », mais une économie bleue qui reste au service de la perpétuation d’un système basé sur la croissance, qui comme l’océan, semble à bout de souffle.

Ces solutions ne soulèvent pas selon moi la problématique cruciale de nos modes de vie, de notre quête de domination de la Nature et et de notre poursuite du progrès et de l’abondance.

Il ne s’agit pas de hiérarchiser les menaces. Elles sont toutes plus dramatiques les unes que les autres.

Il y a évidemment la pollution plastique et le réchauffement climatique qui impactent gravement nos océans et dont on parle beaucoup.

Mais malheureusement la destruction du vivant et la disparition de la biodiversité passent trop souvent au second plan.

  

Nous devons remettre le principe de respect du vivant au cœur de nos considérations. Nous devons sortir de cette vision uniquement utilitariste de la nature.

Nous devons sanctuariser les océans, augmenter drastiquement la surface des aires marines protégées et des réserves intégrales.

Nous devons agir sur la pollution chimique sur terre, cette pollution qui inonde les sols et se déverse en fin de cycle dans les océans.

Nous devons réglementer de toute urgence la pratique industrielle de la pêche, qui comme l’agriculture et l’élevage intensifs, extermine, anéantit l’ensemble du vivant.

Alors il ne s’agit effectivement pas de hiérarchiser les menaces, mais il faut rester réaliste.

Toute entreprise de grande envergure nécessite d’ordonner la mise en œuvre des actions, avec des combats qui doivent être mis au devant, sans quoi tous les autres sont vains.

L’innovation et l’économie bleue seront bien impuissantes dans un océan vidé et asphyxié.

La communauté scientifique nous alerte depuis des décennies et il est temps aujourd’hui pour l’Europe d’assumer sa responsabilité de plus grand domaine maritime au monde en s’emparant avec fermeté de la question de la protection de la vie dans nos océans.